CE QUE VAUT UN JEUNE CAMEROUNAIS




J’aurais pensé, repensé et dépensé de mon temps et de mes efforts pour dire les mots à ma portée, afin de tenter de combattre les maux de ma société. Cela aura valu le coup !


 L’âge a un sens, une propriété, une identité, une mission.

La notion d’âge malgré la charge sémantique qui la construit ne fait pas du tout, de nos jours, l’objet d’une réflexion chez les personnes de moins de 50 ans. Pour plusieurs, l’âge importe peu dans la définition ou le choix de nos habitudes ; pour d’autres par contre, vu que le temps est une donnée incontrôlable et pas du tout réversible, l’âge a un sens, une propriété, une identité, une mission.

            Au Cameroun, la rupture générationnelle est assez perceptible : les jeunes s’éloignent de plus en plus des vieux qu’ils considèrent d’une part comme des conservateurs et des individus égoïstes qui n’ont aucun projet pour les petits, d’autre part comme la source réelle de leur échec au sens social (détenteurs de secrets dangereux et mystiques) du fait qu’ils se servent de leurs expériences non pas pour améliorer l’avenir des jeunes, mais plutôt pour maudire, détruire, bloquer des destinées tout entières. De plus, l’administration établie constituant un véritable socle de personnes croulantes, les jeunes camerounais ont vite épousé le sentiment de la marginalisation, le sens de la violence dans tous les sens  du terme, et l’esprit de l’opportunisme aveugle. 



Notre jeunesse est celle-là même qui en

 Afrique, a solennellement invité le diable à

 sa table 

            C’est cet état de situation qui occasionne la dérive que nous pouvons mesurer au travers de diverses pratiques. Les jeunes rêvent en majorité de quitter le Cameroun pour n’importe quelle destination, faisant de leur terroir un lieu cauchemardesque ; ces jeunes sont parfois prêts à intégrer des milieux vicieux, des confréries qui offensent leur fragilité, ils vont pour certains jusqu’à demander le chemin qui mène à Lucifer. Quel malaise ! Quelles pertes ! Sommes-nous obligés d’aller jusqu’à cette borne ? Qu’avons-nous fait de l’espoir ? Que signifient donc ces paroles que nous aimons tant chanter lorsque les Lions indomptables représentent le Cameroun à une compétition internationale ?  Ces belles phrases construites autour des symboles tels que « chère patrie » et « terre chérie » sont –elles si vides de sens pour nous ?

            Honnêtement de nos jours, j’ai ce réel sentiment que les parents ont sacrifié leurs enfants, que les gouvernants ont abandonné notre jeunesse à tous les fléaux courants et à venir. Cependant, le jeune Camerounais en se livrant à toute forme de facilité avoue-t-il délibérément la perte de sa raison ? De plus, accepte-t-il volontiers la vente de sa conscience aux enchères de la vanité ?  Enfin, Les jeunes ont-ils en toute âme et conscience refusé de reconnaître  leur part de responsabilité dans la construction de leur nation ? A cette question, la réponse semble couler de source. Notre jeunesse est celle-là qui promeut l’insulte publique, qui à 80% pollue les rues, qui pratique le viol, le vol à mains armées, qui méprise le droit d'ainesse, qui fait des partouzes, qui pratique le piercing et les tatouages, qui entretient les rancunes, les agressions, la loi du talion, qui profane tout ce qui est sacré, qui se livre à la sodomie, qui pratique la pédérastie, qui participe aux crimes rituels (afin de devenir riche), qui tue pour une dette de 50 francs CFA. Pour tout dire, notre jeunesse est celle-là même qui en Afrique, a solennellement invité le diable à sa table.  


            Notre jeunesse bat le record des habitudes les plus répréhensibles dans le monde : Un jeune camerounais  se plaint par exemple d’être pauvre, mais aussitôt a-t-il obtenu 5.000 Frs qu’il s’abandonne dans un bar. Une bouteille ne lui suffira pas, non ! Il boira dans l’objectif d’atteindre l’état d’ivresse. C’est là que se trouve l’effet de folie : au Cameroun, on ne boit pas pour étancher sa soif, on prend de la bière pour en être ivre. Que représente l’alcool pour nous au juste ? Un remède ? Une drogue ? Un maître spirituel ? L’alcool est-il le seul l’héritage que les vieux ont légué aux jeunes Camerounais ? Que démontrons-nous dans les snacks, dans les bars et dans les boîtes de nuit si ce n’est notre fainéantise, notre nature ignoble et notre statut de vaut-rien ? On ne s’éternisera pas à critiquer, à dénoncer, à détester nos gouvernants. Non ! Il n’y a pas que des nullards parmi les anciens. On en dénombre parmi eux, qui sont des modèles, qui ont laissé un héritage dont la valeur est inestimable. De certains anciens, moi je garde de bons souvenirs. Tenez par exemple : Martin Luther King était un jeune, Thomas SANKARA était un jeune, Malclom X était un jeune, Patrice Lumumba était un jeune, Ruben Um Nyobe était un jeune, MANIBEN TOMBI était un jeune, Ernest OUANDIE était un jeune. NNAMDI AZIKIWE, Julius Nyerere, KWAME KRUMAH, Nelson Mandela, étaient tous des jeunes. A leur époque, la bière existait déjà, à leur époque, les jeunes filles existaient déjà, à leur époque, la souffrance existait beaucoup plus qu’aujourd’hui. Mais, ils ont refusé de se compromettre pour toutes ces vanités. Ils ont eu le courage de se servir des mots et des actes pour combattre les maux qui dénaturaient leur cité. L’excès d’alcool ne construira aucune route, ne dégagera aucune immondice d’ordures des coins de nos rues, ne bâtira aucune maison, ne payera aucune pension scolaire, n’enverra personne faire des études  à l’Étranger, ne pourvoira à aucun besoin alimentaire. 


            A présent que toi jeune camerounais (amoureux des vanités ou non) tu as lu ce message, prends une minute, sur un total de 20 points, honnêtement, trouve-toi une note, mais surtout, justifie-la. Ne l’oublie pas, tu peux t’améliorer. La nation compte sur toi. Je compte sur toi !
  
                                                           Arnaud BAKELAK

MOTS CONTRE MAUX

                              Notre monde est en pleine dérive, notre société perd un peu plus tous les jours les quelques repères à nous laissés par nos ancêtres.
                     Le présent siècle ne nous garantit aucun bonheur pour demain, et nous avons l'impression que les générations futures vivront un réel enfer après nous.
                     Les politiques actuelles, les philosophies, les doctrines, les systèmes en place et les plus vantés  présentent à nos yeux des failles, et nous pensons pouvoir changer le cours des choses en échangeant avec ceux qui pensent encore pour leur communauté, en partageant notre opinion avec le reste du monde.

Rejoignons la communauté MOTS  CONTRE  MAUX

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RENAISSANCE



                                                À  Nguiarma

On n'a pas toujours le choix
Quand sous le poids de sa croix
On se bâtit de pâles attitudes
Pour ne pas ressentir la servitude.
L'on croise d'affolées solitudes
On se vante de quelque habitude
Alors que du haut œil nous voit
découper les ailes de la foi.


Qui veut se faire des loisirs
Devrait dans son orgueil moisir
Avant de se dire prêt à choisir.


Ne vivons guère par la guerre
Car tout fruit qui luit
Est le produit
D'une pluie qui fuit.


Parler c’est saler ses symboles

Brodés par la parole

Comme aimer c’est se méprendre

 à l’achat  d’un cœur à prendre.



Les ombres tombent sur toi

Mes songes comblent ma foi.

                           In l’Échappatoire 

LA PAUVRETÉ EST JUSQU'ICI LEUR SEUL PARTAGE

            

                                 

Dans ce témoignage, découvrez le quotidien de quelques êtres oubliés.

 

                        L'Afrique! Une terre de prodiges, un continent aux cultures et valeurs diverses, un monde de contrastes troublants, où le paradoxe de la misère a depuis des décades élu domicile. C'est ici qu'on retrouve les pays les plus diversifiés du point de vue des ethnies qui les composent, c'est aussi en Afrique qu'on connait les plus vieux gouvernements au monde, certains composés d'administrateurs qui tutoient paisiblement le siècle de longévité. 

                 J'ai parcouru les rues le matin d'un certain samedi du mois de novembre 2018, défiant lors d'une séance de Jogging les quelques collines qui mènent à l'université de Ngoa-Ekelle à Yaoundé. Trainant un vieux sac vide sur lequel on a délicatement attaché le manche d'un parapluie, partageant le poids de cet emballage épuisé, recouvert de déchirures causées par les nombreuses et diverses intempéries, soigneusement rafistolé de cent et un lambeaux de tissus de toutes sortes, Je les ai observés un instant. Ils étaient au nombre de trois: une fillette et deux garçons, âgés entre 10 et 12 ans. se tenant par la main. Ils cherchaient tous à traverser la route surexploitée à cette heure de la journée. Il n'était que sept heures par-là, pourtant les routes souffraient déjà du poids insolent des véhicules célébrant une nouvelle liberté qui se proclamait de temps à autre au moyen d'un coup de klaxon. 

            Les trois petits enfants attendaient toujours l'occasion de traverser la route. Je m'approchais, je leur dis un bonjour rassurant. "Je vais vous aider les enfants", j'ajoutais. Mais, leurs yeux ahuris me laissèrent croire qu'ils étaient davantage inquiets. Je lançais un autre "bonjour" qui ne reçut aucune réponse. Je pensai immédiatement que les petits ne comprenaient pas "ma langue". J'optai pour l'anglais. "Good morning dear kids", lançai-je. Ils me répondirent, un peu rassurés, mais timidement. "Ah, des enfants anglophones", fis-je intérieurement.

                Je leur proposai mon aide qu'ils acceptèrent. Alors, je leur fis traverser la route. Une fois à ce nouveau côté de la route, je leur demandai d'où ils venaient et où ils allaient. Ils me firent savoir qu'ils allaient au marché afin de trouver un moyen de travailler en tant que vendeurs ambulants. Ces Trois enfants, très tôt tous les matins, se rendent dans un marché de la place, se présentent à certains boutiquiers ou gérants de magasins. Ils doivent par la suite recevoir chacun un lot d'articles à transporter sur leurs têtes, qu'ils doivent vendre en serpentant toute la journée durant, les artères qui environnent le marché. Ils doivent affronter et les nombreux clients qui ne s'expriment qu'en français, humeur épidermique, et le soleil ou parfois la pluie, sans oublier la faim, car le but visé est de rentrer à la maison avec chacun 500 francs CFA environ, tous les soirs. Habités par un courage dont seul le ciel sait l'origine, les trois orphelins marchent, se retournent, s'arrêtent, proposent  leurs produits, parfois d'une voix affaiblie par le traumatisme dont ils sont victimes. Leur visage dit un peu de ce qu'ils subissent chaque jour, leur regard supplie la clémence de monsieur tout le monde, mais leur entourage est trop préoccupé à vivre, vivre chacun pour lui-même, vivre sans se soucier de ceux qui n'ont plus ni espoir, ni soutien, ceux qui n'ont autre choix que de survivre au rythme de l'instinct qui agit toujours en eux.  
               Ils sont originaires de la région du Nord-Ouest du Cameroun. Ils ont perdu là-bas leurs parents ainsi que leur sœur aînée. Une voisine ayant réussi à prendre contact avec leur tante installée à Yaoundé avait réussi à les expédier comme des vulgaires colis à la capitale par le biais d'un "Gros porteur". 

             Arrivés à Yaoundé, ils furent reçus, mais une nouvelle phase de leur misère les attendait. La tante qui les reçut souffre depuis trois ans d'un mal dont elle n'a pu guérir jusqu'ici. Femme solitaire, ancienne commerçante, affligée par la brutale disparition des membres de sa famille du fait de la crise qui sévit dans les régions dites anglophones, elle ne peut plus vaquer à ses activités quotidiennes. Auparavant, elle avait la charge de soutenir sa défunte sœur ainsi que ses deux frères (tous décédés) dans le financement de l'éducation de leurs enfants respectifs. Elle, contrainte de payer le loyer (une chambre pour laquelle elle verse environ 12.000 Francs CFA chaque mois au propriétaire), n'a eu autre option que d'initier ses neveux à la pratique de la débrouillardise, afin de survivre en attendant la fin. 

                De quelle fin s'agira-t-il cependant? De la fin de sa vie ou plutôt de la fin de sa misère? Et si sa vie venait à prendre fin, que deviendraient les trois enfants? Ces orphelins qui n'ont jamais demandé à naître dans une zone anglophone, j'allais dire dans une région frappée par une crise inattendue? Comment et où vivraient-ils? Qui de la société et de l'ensemble des pouvoirs publics prendrait en charge leur destin? Qu'ont fait ces enfants au monde pour mériter toute cette galère? Pour l'instant, ils n'ont pour partage que cette pauvreté et cette tristesse qui les fait périr psychologiquement, mais aussi physiquement, un peu plus chaque jour. Ils ne connaissent plus depuis de nombreux mois le chemin qui mène à une école. Ils ont pris ce chemin, celui qui mène à l'école de la souffrance, au lendemain de l'incertitude et de la permanente résignation.   

                      De mon point de vue, notre gouvernement pourrait envisager le recensement des déplacés internes victimes de la crise anglophone, dans toutes les grandes métropoles où ceux-ci ont pu trouver refuge, afin d'envisager une réelle prise en charge de ces personnes qui ont tous besoin de notre attention, de notre aide, de notre amour. Cette initiative valoriserait sans aucun doute la politique  des grandes opportunités du président réélu.

                                                                       Sauvons l'harmonie sociale au Cameroun.

                                                                         Arnaud BAKELAK

COMBATTANT POUR LA LIBERTÉ (Hommage à la Cohorte C'06)

  C'06, la Cohorte.

La vidéo qui révèle qui ils sont...

         Hommage aux jeunes figures qui ont fait de la recherche une passion, de l'amitié une vertu et de la fraternité une philosophie.
             
                                        À Emmanuel Larry FUL

Combattant pour la liberté!
Ne vois-tu pas l'histoire qui change?
J'ai entendu des cris monter en pompes vers le firmament,
J'ai vu les âmes de la liberté courir dans tous les sens au son du mal venant,
Et j'ai cru à la force de la nature qui pour tous agit.
Ne crois-tu pas au temps qui change?
Le bal longtemps mené par les âmes du mal,
Les malles souvent bourrées de sortes de balles,
Finiront en cendres et en noire fumée.
Ne crois-tu pas à l'ultime mot?
Tout ce qui des décades durant a accablé, consterné, attristé ou blasé le peuple,
tout s'effondrera comme sous le coup d'une latte.
Tous ceux qui du haut de leur regard ont ignoré, méprisé, offensé, malmené, opprimé le peuple,
tous vivront de la vie de leurs actes.
Ne vois-tu pas que ta pensée,
et tes paroles,
et ta passion,
et ta rage,
Frôlent déjà frontières et barrières de leurs effets?
Encore un peu de temps,
tous ces ennemis
nous ne les verrons plus.

                                                        
   Arnaud Bakélak, in  L’Échappatoire
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                                                                     La Cohorte C'06

MATERNAGE

MATERNAGE

                                                Octobre 2015
                                                A Véronique…

Que de mots dans l’ombre du vide qui m’accable
Que de maux le long du cordon qui à toi me câble
Que de trots autour d’une pensée fort agaçante
Celle de t'avoir toujours comme mère agissante
A force d’attendre l’arrivée du train de la quiétude
Éternisé à paginer les semaines de mes habitudes
Comme les pages d’un livre d’alchimie
Je ne distingue plus le lundi du mardi
Le mercredi ou le dimanche du jeudi
Et mes souvenirs sur moi se penchent
Mère au cœur de miel
Mer aux mœurs du ciel!
De mémoire et de faits,
Oh, joli soleil de mai
Je sais que tu sais...

Qu’on ne peut pas être bon
Pour l’unique voix de la solitude
Qu’on ne peut tourner en rond
Sans jamais colorer son habitude
Tu sais qu’on ne le peut pas
Qu’on ne peut vendre ses pas
Aux éternelles enchères du hasard
Aux perpétuelles folies des lascars
Tu sais qu’on ne peut chanter d’une vie
Sans cueillir des mots à une autre
Joli Soleil de mai
Je sais que tu le sais

Qu’on ne vente pas ses envies
Sans dessiner celles des apôtres


Et ta voix clame le ton d’un rêve
Et de ce rêve ton nom s’élève.
Jadis je te suivis
Toi au front qui luit
Loin de toi je vis
Près de toi je suis.



Arnaud BAKELAK, in  l’Échappatoire





PARCOURS


                               A  Zarawou...

Dans un village de cruels sourds
Quand s’arrêta mon parcours
De ma faible voix aspirante
Je rêvai de la phrase soupirante

Et sur les cimes de montagnes maries
Par-dessus les volcans affranchis
Les vautours d’un regard trop jaloux
Attendaient qu’on eût tranché un cou

Je déployai de ma gorge mon cri
J’appelai à l’aide de loin et d’ici
Et bientôt mon souffle s’évanouissait
Quand sur mes flancs mes bras s’écrasaient
L’amour avait disparu par ces élans de méprise
Le temps marquait son tempo dans une même reprise

Des regards peignaient la tristesse et la violence
J’ai cherché dans la nue les traits de ton visage
Et j’ai paginé à la course le livre de l’espérance
Dans ce désert fleuri d’angoisse et de mirages
La douce et chaude brise m’a rappelé ta voix
Trébuchant  dans ma course, j’ai revu ta joie
Et tes yeux princiers et tes lèvres d’impératrice
Et ta peau de berceuse et tes cheveux bien lisses

Je t’attendrai dans le brouillard de mon souhait 

                                   in l'échappatoire, 2016  


                                  ARNAUD  BAKELAK

VISAGE D'AFRIQUE

 Recueil de poèmes

Auteur: Arnaud BAKELAK

Contenu: 20 poèmes.





















 Extrait.

"Visage d'Afrique"

Des Mômes qui rient
Le long d’une route boueuse
Des mères qui prient
Rêvant d’une vie heureuse
Une rue pâle et sale aux vieilles sandales
Un peuple loyal égal portant le saint Graal
Ce monde sans réplique
Cette terre qu’est l’Afrique
Cette forêt de mères et de pères
De fils et de filles qui espèrent
D’une neuve et favorable vie
Par une aube révoltée et marrie
Des hommes costaux tout muets
Des idées blanches sous le fouet
Des mères qui sans cesse prient
Des mômes ignorants qui rient
Une ville aliénée, acculturée
Une cité muette qui parlera
Au bout d’un rêve rénové
De ses bras robustes et pacifiques
De sa foi naturelle et prolifique
Des jeunes aux yeux grands
Des cœurs aux vœux francs
Un peuple de têtes bien faites
Un monde de bras honnêtes
C’est ça l’image de mon Afrique!

                    Arnaud BAKELAK, in L’Échappatoire 

CE QU'EST LA LITTERATURE

Arnaud BAKELAK

La littérature est un art

                   La littérature est l’un des multiples domaines de l’art. Il est important de rappeler à l’élève ou à l’étudiant qui aborde plus ou moins fréquemment cette discipline que celle-ci a connu et continue de connaître des points de divergence au sein de la grande famille qu’elle forme. A la question de savoir ce qui est à l’origine de ces problèmes, la réponse ne coule pas de source. En effet, les œuvres littéraires posent des préoccupations relatives à leur fonction sociale, à leur capacité de changer le monde, à la source d’inspiration des écrivains, mais également  à leur actualité.

    
LES PROBLÈMES QUI DÉCOULENT DE LA LITTÉRATURE


            Parmi les problèmes qui se posent en littérature, l’on peut citer celui du rôle, c’est-à-dire le but ou la fonction des livres. De cette question première, de nouvelles préoccupations naîtront. Nous évoquerons entre autres la question de l’efficacité des œuvres d’art, le problème de la création littéraire, mais aussi celui de l’actualité des livres. Tout part cependant de ce que certains considèrent l’art comme une activité n’ayant aucune visée utilitaire, sociale, mercantile (commerciale). KANT  fera par exemple de l’art « une activité en elle-même agréable, une sorte de jeu ».


               De ce point de vue, l’art pour l’art par opposition à la technique est l’art pour sa propre finalité, son propre but, sa propre raison d’être.



I-LE RÔLE DE LA LITTÉRATURE



1-L’ECOLE  DE  PARNASSE: L’ART POUR LE DIVERTISSEMENT


            Au sujet de la question sur la finalité de l’art, on a historiquement assisté à une polémique. En effet, l’École  de  PARNASSE avec pour chef de file Théophile GAUTIER (français), élaborera la théorie de l’art pour l’art. L’art selon les parnassiens se dénature en voulant servir des causes utiles. Ainsi, GAUTIER affirmera de manière péremptoire qu’ « il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien. Tout ce qui est utile est laid ». C’est donc dire que l’art ne peut garder sa valeur, son originalité et son essence qu’en se distançant de tout engagement d’ordre social, humain ou utilitaire. L’artiste est pour ainsi dire selon l’avis des parnassiens, le serviteur du beau au moyen de l’imagination, par le génie de son style, la magie de son verbe, par la puissance de son langage, et ce ni plus ni moins.

            Mais cette opinion ne fera pas l’unanimité au fil du temps parmi les adeptes de l’art en général et ceux de la LITTÉRATURE en particulier.



2-L’ENGAGEMENT : L’ART POUR LE PROGRÈS

            Dès la fin du 19ème siècle, l’on assiste à un ébranlement des fondements de l’art pour l’art, du fait de la naissance d’un courant littéraire dénommé ENGAGEMENT. Victor HUGO (1802-1885), Jean Paul SARTRE (1905-1980), Albert CAMUS (1913-1960) et bien d’autres encore dénonceront l’indifférence de l’artiste, voire sa démission devant ses responsabilités sociales. Selon ces derniers, parce que l’artiste est un homme vivant parmi les hommes, parce qu’il est interpellé par les nombreux défis à relever de son temps, le non engagement devient une absurdité, une preuve de lâcheté. Ne pas s’engager, dira SARTRE, c’est encore s’engager. C’est précisément s’engager de ne pas s’engager. Ainsi, le non-engagement porte le signe du négatif, il est le signe de la trahison de la conscience du littéraire, de l’homme instruit, et celle de son peuple. Et plutôt qu’un tel engagement, SARTRE propose un engagement positif, conscient, volontaire et responsable de l’artiste. A quoi doit donc s’engager l’artiste ? Écoutons Victor HUGO : « le poète est le guide, le mage, celui qui en des jours impies apporte des jours meilleurs ». L’artiste s’engage pour construire, instruire son peuple, pour être le pédagogue de ses contemporains. Et Léopold SEDAR SENGHOR de dire dans Hosties Noires: « Notre noblesse est non de dominer notre peuple, mais d’être son rythme et  son cœur (…) non d’être  la tête  du peuple,  mais  sa  bouche  et  sa trompette ». L’artiste s’engage aussi à éveiller les consciences endormies, à susciter des élans de révolutions dans le sens de la construction. Il peut ainsi s’engager pour apporter du réconfort. Il s’engage donc pour l’homme, et c’est pourquoi il dénonce les injustices, décrie l’arbitraire, combat les maux tels l’exploitation de l’homme par l’homme. L’engagement littéraire aboutit à la thèse d’après laquelle l’artiste doit se réconcilier avec la vie en plaçant son œuvre au centre des préoccupations humaines, car l’expression du beau n’est pas en soi (nécessairement) incompatible (opposée)  avec l’affirmation de l’utile du social et de l’humain. Faire l’utile en faisant le beau, telle est la nouvelle vocation que l’Engagement littéraire assigne à l’artiste. Il s’agit à cet effet de joindre l’utile à l’agréable afin de restaurer un équilibre à deux tendances : plaire et interpeller. N’est-ce pas en tout cas dans l’idée de rappeler à ses collègues écrivains l’essentiel de leurs activités qu’Albert CAMUS affirmait avec force : « notre métier d’écrivains s’enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce qu’on sait et la résistance à l’oppression ». Il ajouterait même volontiers : « Il n’y a pas de littérature engagée, il n’y a que d’écrivains engagés comme hommes et comme artistes, à s’efforcer de penser juste, peindre vrai et dire bellement ». Comme pour vibrer en phase avec Marcel ARTHAUD qui clamera tout haut : « je ne conçois pas de littérature sans éthique ».

            Mais s’étant insurgée contre le point de vue parnassien, l’Engagement ne restera pas à l’abri des critiques et condamnations trouvant leur raison d’être dans trois choses essentielles.



II- L’EFFICACITÉ DES ŒUVRES LITTÉRAIRES



             1-L’INCAPACITÉ DES LIVRES À TRANSFORMER DIRECTEMENT LE MONDE

            L’art en s’engageant peut-il changer le monde, c’est-à-dire transformer les hommes ou résoudre de manière effective les problèmes de la société ? Là est clairement posée la question de l’efficacité de l’art (et particulièrement de la littérature). La critique et la dénonciation ont-elles une influence, un effet direct sur la réalité au point de provoquer la révolution, c’est-à-dire la transformation substantielle et totale des mœurs ou du groupe social ? Certains dénonceront l’engagement comme inefficace et lui préféreront des procédés tels  que les manifestations plus ou moins violentes. Pour ceux-là, on ne fait pas la révolution avec les mots, mais avec les armes. C’est d’ailleurs l’avis de Henri LEFEBRE qui affirme que « la littérature ne peut pas apporter le salut parce qu’elle a besoin elle-même d’être sauvée ». De ce point de vue, les artistes, pourquoi en faire ? Certainement pour amuser la galerie, divertir les foules, peut-être dans tous les cas, mais rien de positif. 

2-L’INCONTESTABLE  POUVOIR  DE  LA  LITTÉRATURE

            A l’heure des modes de vie précaires, des mouvements de déstabilisation de l’honneur humain, l’artiste croit en l’art, en sa capacité d’influencer positivement le progrès social. Comment nier la force de la littérature lorsque nous connaissons le pouvoir des mots, la puissance de la parole telle que précisée dans la Bible en début du premier chapitre du livre de Jean: « Au commencement était la parole… et rien de ce qui fut créé ne le fut sans elle.» ? Aimé CESAIRE des années avant nous, comparait déjà la poésie à un pistolet chargé dont les vers sont des balles. De l’avis de cet auteur, le poète par la force de ses mots, la puissance de ses vers, peut remplir le rôle de transformateur des mœurs. La littérature peut travailler à l’éveil des consciences, elle peut réveiller les esprits endormis, ou sortir un peuple de sa léthargie (torpeur, profond sommeil)  et lui redonner confiance en lui-même et en l’avenir. C’est sans doute dans ce courant d’objectifs que s’inscrit l’ouvrage Cahier d’un Retour au Pays Natal. Dans ce livre, Aimé CESAIRE revalorise la négritude (appartenance à la race noire) et invite les siens à se tenir debout, à déserter l’indolence (paresse) et le complexe d’infériorité pour assumer leur destin de noirs. A partir de cet exemple, nous pouvons dire que l’art est capable de combattre les injustices et faire preuve d’humanité. De ce point de vue, l’artiste devient la conscience de son peuple et de son époque, le porte-parole des sans voix. Et CESAIRE de dire : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche et ma voix la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ». Bien plus, parce que l’homme est aussi un être d’aspiration, un être de sensibilité en quête de bien être et de valeurs esthétiques, il peut trouver en l’art en tant qu’expression du beau un bréviaire (une source de ravitaillement, de satisfaction). ALAIN le disait si bien dans Système des beaux arts : « le beau ne fleurit que sur l’utile, jusque dans la poésie où la mesure et la rime eurent d’abord pour fin de servir la mémoire ». L’art en tant qu’expression du beau peut consoler, émouvoir, susciter de la contemplation ou de l’admiration. C’est dire que l’art tout comme les autres activités de l’homme peut participer au progrès de l’humanité, même si l’artiste ne saurait se substituer à l’ingénieur ou à l’artisan. Ceux-ci travaillent sur la matière, l’artiste travaille sur les mentalités, sur les esprits et les consciences. Son œuvre n’est pas pragmatiste, mais n’en demeure pas moins efficace. D’ailleurs, la révolution française ne porte-t-elle pas l’estampille des écrivains français qui par leurs œuvres ont pu éveiller les consciences et combattre la monarchie absolue ? 

III-L’ACTUALITÉ DES ŒUVRES LITTÉRAIRES


           1-LE LIVRE LIMITÉ DANS L’ESPACE ET LE TEMPS

               

L’autre critique faite à l’Engagement est qu’il tue l’art en tuant l’esthétique, en sacrifiant la recherche du beau au bénéfice des combats à mener. Disons-le de manière sommaire, l’art peut aligner le souci du beau à l’exigence du vrai. L’art peut penser juste, vrai, mais aussi bellement.

            Enfin, il est reproché à l’Engagement de créer des œuvres de circonstance, des œuvres qui militent pour des causes limitées dans l’espace et dans le temps. Or de l’avis de Paul VALERY, l’œuvre d’art doit résister à l’usure et aux intempéries du temps, c’est-à-dire accéder à l’universalité et à l’atemporalité. Ainsi pense-t-il : « l’art opère dans l’éternel et s’avilit à vouloir servir fût-ce la plus noble des causes ».

            Mais de ce qu’une œuvre serve une cause, s’en suit-il nécessairement qu’elle perde son universalité ? Son immortalité ? L’œuvre engagée est-elle toujours caduque, dépassée du seul fait de son engagement ?




            2-L’UNIVERSALITÉ ET L’ATEMPORALITÉ DES PRODUCTIONS LITTERAIRES



            Victor HUGO répond. L’œuvre engagée en parlant de l’homme et de ses conditions à travers les diverses circonstances de la vie, parle de l’homme en général. A ce titre, il affirme : « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Oh, ignorant qui pense que je ne suis pas toi ». Dénoncer la malhonnêteté au Cameroun c’est la combattre indirectement partout où elle existe, et, rappelons-le, la condition humaine est une et universelle. En combattant la discrimination raciale en Amérique, l’écrivain la décrie partout où elle règne, quelque soit l’époque qu’elle influence. C’est donc dire que l’œuvre engagée peut survivre à son temps, demeurer actuelle aussi longtemps que les problèmes qu’elle pose persistent, ici ou ailleurs. En fait, quand bien même l’artiste s’engage à dénoncer les maux et injustices, il use toujours d’un style, d’une manière, d’un ton qui non seulement émeuvent, mais aussi peuvent permettre à son œuvre d’échapper à la désuétude. L’œuvre d’art ne meurt pas totalement, elle peut vieillir d’un côté et rester actuelle par un autre.




IV- LA  CRÉATION  DE  LITTÉRAIRE.



1-LE  RÉALISME  ARTISTIQUE : L'IMITATION DE LA RÉALITÉ



            PLATON (428-348 Av J.C) dans La République soutien que l’artiste imite la nature. Pour cet auteur grec, l’artiste n’invente rien, il n’innove en rien. Tout ce qu’il peint, décrit ou écrit existe déjà quelque part, et à ce titre, l’art est une réminiscence des modèles contenus dans la nature. L’œuvre d’art est donc la copie plus ou moins conforme, le reflet de la nature. Les réalistes pensent   que   l’art   consiste   à   peindre   le   réel,   à   décrire  ou    présenter
les faits tels qu’ils sont. A l’arrière plan de cette thèse, se trouve l’idée que l’artiste par souci du vrai et du juste, doit être le témoin fidèle de sa société. Et STENDHAL, dont le vrai nom est Henri BEYLE (1783-1842), dira avec pertinence : « le roman est un miroir que l’on promène le long d’une route ». Il s’agit donc pour l’artiste de représenter la réalité sous ses divers aspects, sans toute fois essayer de l’embellir, de la modifier ou de la dénaturer.

            Notons tout de même que l’engagement est l’un des pendants du réalisme. S’engager c’est opter pour la contestation de ce qui est par le moyen de la description. Dans ce sens précis, Albert CAMUS disait : « Contester c’est constater pour construire ». L’engagement implique à cet effet que l’on pose les problèmes réels, que l’on décrive les faits concrets, et à cet effet Jean Paul SARTRE écrivait il y a quelques décades : « l’écrivain a choisi de dévoiler le monde et l’homme aux autres hommes ». L’artiste selon l’engagement n’est donc que le témoin objectif des événements de son époque.



2-L’IDÉALISME  ARTISTIQUE: LA FICTION, L’IMAGINAIRE



            HEGEL dans Esthétique réfute cette conception de l’art. A quoi bon « refaire une seconde fois ce qui existe dans le monde extérieur », s’interroge-t-il.. Une telle production ne serait-elle pas oiseuse, superflue ? Pourquoi représenter sur les tableaux ou dans les livres les scènes que nous connaissons déjà dans la réalité ? Or, la caractéristique fondamentale de l’œuvre d’art est le génie créatif, la capacité d’innover, d’inventer, de créer ou de produire l’original. Selon les créationnistes et les idéalistes, l’art n’imite point la nature, il crée des modèles qui n’existent pas, façonnent des œuvres originales qui sont le fruit de l’imagination créative de l’auteur. Nous comprenons dès lors pourquoi KANT affirme que « l’originalité doit être la première propriété de l’art ». Ainsi, l’art en tant qu’invention du beau exige un talent totalement « opposé à l’esprit d’imitation », ajoute KANT. Le réalisme est à l’engagement ce que l’idéalisme est au Parnasse. L’art engagé doit décrire le réel comme l’art pour l’art doit s’en passer pour produire des œuvres originales et belles en elles-mêmes. L’idéalisme se fonde sur l’idée d’après laquelle l’œuvre d’art est le fruit de l’imagination, une création ex-nihilo, c’est-à-dire qui n’a aucun rapport avec l’expérience, qui ne tire pas inspiration de la réalité.

Cependant, le réalisme peut-il se passer de l’imaginaire ? L’artiste peut-il vraiment créer à partir de rien ? Malgré leur opposition apparemment tranchée, il paraît que réalisme et idéalisme se côtoient mutuellement. 

       De l’avis de Roger CAILLOIS, « toute littérature participe d’une civilisation. Aucun livre ne sort directement des battements d’un cœur ». C’est pour ainsi dire que même dans l’œuvre la plus imaginaire qui puisse exister, se cache les marques de la société de son auteur ou celles de l’expérience personnelle de ce dernier. A tout prendre, réalisme et idéalisme s’imbriquent et sont plus ou moins présentes dans les courantes œuvres artistiques.